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EN CHANTIER
2001-2004
Au Théâtre de la Cité internationale à Paris


En Chantier 2001-2004 est né d’une proposition de Mark Tompkins : suivre la démolition et la réhabilitation du Grand Théâtre de la Cité internationale en deux nouveaux espaces, La Galerie, espace modulable en sous-sol et le nouveau Grand Théâtre, désormais La Coupole au rez-de-chaussée. Motivé par l’envie et l’occasion de travailler En Chantier dans un temps relativement long, Mark Tompkins a souhaité profiter de la réalité concrète d’un vrai site en construction, qui de plus est un théâtre qui se transforme en théâtre.

La Compagnie I.D.A. est considérée comme une des entreprises du chantier. Nous travaillons en parallèle avec les autres corps de métier. La seule différence majeure réside dans notre objectif, moins concret que l’action de poser une fondation, d’installer l’électricité... Notre projet se greffe sur l’ensemble des travaux et leur déroulement dans le temps pour créer une vision poétique d’instants éphémères. Car notre thème est la mutation, le processus du changement, la perception de la fluctuation de l’espace et du temps.

Suivant la métaphore du chantier, le projet se déroule par étapes, avec des temps de recherche et de développement, ponctués par des instants de visibilité ouverts au public, appelés Visites de chantier. Les Visites ont lieu 3 fois par an, sur 2 ou 3 jours, en séries de 8 à 12 performances d’environ 30 min. Elles comprennent des installations vidéo, des expositions photos, et des performances live avec danse, musique, lumière et projections vidéo. La fin des travaux et l’ouverture des nouvelles salles ont marqué la finalisation du projet avec une exposition/installation dans la Galerie et la présentation des ultimes Visites dans la Coupole.


L’Equipe

Mark Tompkins, Danseur
Alexandre Théry, Danseur
Nuno Rebelo, Musicien
Marco Franco, Musicien
Pierre Froment, Vidéaste
Gilles Toutevoix, Vidéaste
Alain de Cheveigné, Eclairagiste


En Chantier est un projet site-spécifique avec la particularité de se dérouler dans un vrai chantier, lieu instable et changeant, en mutation permanente. C’est un travail de terrain qui suit la démolition et la reconstruction d’un lieu symbolique, un théâtre, pendant la totalité des travaux, du premier coup de pioche à la livraison.

En Chantier
est le travail d’une équipe pluridisciplinaire dans la durée et qui prend comme modèle l’ouvrier du chantier, sauf qu’ici chacun est simultanément dans sa fonction - danseur, musicien, vidéaste, éclairagiste - et performer. Car tout est visible. Nous modelons le concret à vue - les objets, les instruments de musique, les images vidéo proviennent uniquement du site.

En Chantier magnifie le temps réel. Nous élaborons le dispositif de chaque série de visite, en fonction des mutations du site et de l’évolution du projet en rapport avec les visites antérieures et futures. La composition de chaque performance se construit en temps réel, s’adapte et se peaufine au fur et à mesure du déroulement de la série. A chaque nouvelle performance, nous apportons la mémoire des autres performances et inventons une stratégie de renouvellement.


Du corps concret au corps abstrait,
le mouvement fonctionnel ou dansé

Le projet EN CHANTIER nous permet de revenir et d’approfondir nos recherches sur le corps performatif -Trahisons, 1984-87, La Plaque Tournante, 1990-92, Channels, 1994. Ce travail porte sur les ressemblances et les différences entre le corps “concret” ou fonctionnel et le corps “abstrait” ou dansé.

Depuis le début du projet, nous travaillons à partir du concept suivant : le processus est le produit, le produit est le processus. Chacun des neuf cycles de recherche culmine avec des séries de performances publiques appelées Visites de Chantier. Chaque série de performances, et même chaque visite à l’intérieur d’une série, remet en question les précédentes et prépare les futurs cycles.

Pour des raisons de sécurité, la première et la deuxième série de Visites ont dû se dérouler en dehors du chantier. L’enjeu du projet a vraiment basculé lors de la troisième série de Visites lorsque nous avons enfin pu accueillir le public dans le chantier. La question qui nous a tiraillé depuis le début devenait simple et évidente. Quel rapport y-a-t-il entre le corps ou le mouvement « fonctionnels » et « dansés » ?

Si le corps concret s’accomplit dans des taches - (dé)construire un espace, en général avec l’aide d’un outil et avec les gestes fonctionnels du travail - le corps abstrait s’accomplit dans son propre mouvement - (dé)construire un espace sans but apparent avec des gestes vraisemblablement « gratuits ». Le corps concret habite l’espace selon un plan préétabli dans le but de créer quelque chose en dur (en l’occurrence un théâtre). Son temps est réglementé par des impératifs de production et d’économie, avec des échéances absolues (time is money !). Le corps abstrait habite l’espace dans son état du moment dans le but de créer des liens poétiques et éphémères entre l’espace et les êtres. Son temps est surtout ordonné par le désir.

Dans nos excursions en chantier, le terrain est notre premier partenaire. Impossible de danser sans avoir créé un « équilibre » avec lui. Surtout au début, au temps de la démolition, les rares surfaces planes appelaient toujours à être accompagnées d’objets ou d’outils, comme si le fait de simplement danser devenait improbable, voire ridicule. Chaque objet devenait le support d’un mouvement concret même si son but restait superflu et inutile. Cette nécessité de prothèse, vécue d’abord comme un problème ou un manque, est devenue une stratégie de survie dans un environnement hostile et dangereux, et s’est peu à peu révélée être l’enjeu et l’atout majeur de notre entreprise.

Lors des Visites de Chantier, nous établissons des partitions spatio-temporelles en fonction de l’état actuel du chantier et de nos envies de cerner et de mettre en valeur une problématique et une perspective du moment (le haut et le bas, le centre et la périphérie...). A partir de ces structures, nous travaillons dans l’instant et tentons de tisser des liens entre nous, partagés par et avec le public. Chacun est dans sa fonction. Alex et Mark dansent, Nuno fait de la musique, Alain éclaire, Pierre et Gilles filment. C’est cela que nous donnons à voir et à entendre. Chaque visite, nous érigeons une architecture unique et éphémère. Nous ne produisons rien. Chaque visite est la première et la dernière. Nous ne reproduisons jamais.

Nous évoluons grâce à l’espace en mutation constante qu’est le chantier, grâce aux objets et aux matières qui nous entourent et qui ne cessent de changer. Nous faisons la tentative et l’apprentissage de faire alliance avec les choses : le sol, les murs, les briques, les tas de gravats et de sable, les tubes pvc, les bâtons de bois, les morceaux de fer, les vrais et les faux outils. Et avec l’état des lieux : le jour, la nuit, les démolitions et les constructions.

Nous ne bâtissons rien de concret.
Nous effaçons toujours nos efforts.
Nous nous efforçons de faire corps avec le chantier.

Mark Tompkins, octobre 2003



Livraison

Un théâtre, souvent, on le voit comme une chose et même un contenant. On achète un billet, on y rentre, on voit un spectacle. Les Visites de Chantiers de Tompkins et ses acolytes ont bouleversé cette évidence. Le théâtre est devenu un processus –démolition, creusement, reconstruction... – et peut-être plus encore un personnage à qui l’on revenait rendre visite ; voir où en était ce drôle de bonhomme, les pérégrinations de ses intérieurs, ses jeux avec la bande de Tompkins. Ceux qui ont suivi cette histoire ne viendront plus jamais au TCI comme avant ; ils ont lié avec lui un lien particulier, il ne sera plus jamais une boîte à spectacles, mais un moment présent qui contient toute cette histoire : les étais, le sable coulé, le béton désormais caché ; et aussi les anciennes cloisons, les vieux fauteuils...

Car avant qu’il ne redevienne un appareil optique dirigeant aimablement, mais fermement, nos gestes et nos regards, Tompkins a fait de lui l’objet que l’on regarde. D’en haut, d’en bas, de dessous, des côtés ; par le hublot, par la porte ; depuis la salle, depuis la scène. De l’intérieur, de l’extérieur... Ainsi s’inscrivaient dans notre regard les différents états du bâtiment, un peu comme un étrange patient qui vous inviterait à assister aux transformations successives d’une longue série d’opérations. Voir, donc, non pas le contenu mais le contenant, l’enveloppe, regarder l’appareil optique lui-même avant de le pointer sur autre chose.

Au centre du travail de ces Visites, il y avait donc plusieurs questions, plusieurs objets, pourrait-on dire, ou encore plusieurs directions contradictoires. Rendre le lieu visible dans ses différents états et pour cela, débarrasser le geste et la présence des performeurs de toute emphase, de toute stylisation. Qu’est-ce qui fait qu’un geste se transforme en image ? Il a fallu lutter contre tous les théâtres qui peuvent habiter le geste d’un danseur. Avoir un rapport simple et direct avec les objets, l’espace et les autres. Se rapprocher en cela de l’efficacité gestuelle de ceux qui « font le théâtre », c’est-à-dire ses constructeurs. Et puis, en même temps, révéler la profondeur invisible de chaque état du lieu – du chantier de démolition au théâtre fini. Ne se priver ni du geste simplement efficace, ni de la magie illusionniste du théâtre.

Ainsi, pendant que le chantier transformait lentement un théâtre en un autre, un deuxième chantier était en cours : celui de la présence des performeurs, présence comme relation, fabrique du lien entre eux et le lieu, les objets, le public. Et celui du regard, pour le public, privé de ses supports habituels, contraint en quelque sorte à l’improvisation. De ces multiples bâtissages intimement liés les uns aux autres, naissent ce que Tompkins appelle des images complexes : complexes car multiples, mêlant le quotidien et l’irréel ; complexes aussi car elles ne se laissent jamais saisir entièrement ; complexes enfin car elles se sont laissées construire, au fil de l’accumulation et du dépôt de savoirs nouveaux, pour les performers, sur ce rapport mobile entre soi et l’espace.

Il est question aujourd’hui de vérifier si ces savoirs de chantiers résistent à l’encadrement de la scène et du théâtre enfin terminé. Si l’histoire du chantier peut se prolonger au-delà de la « livraison » du plateau et du théâtre « en ordre de marche », et si nous autres, publics, savons rester éveillés à de nouveaux modes de regard, même du fond de nos fauteuils flambant neufs.

Isabelle Ginot, Livraison, octobre 2004


En Chantier, suite et Fin

De notre périple épique, notre odyssée de plus de trois ans dans les entrailles du chantier, nous garderons une multitude de moments éblouissants, publics et privés, et un certain nombre de révélations ordinaires et extraordinaires :

Que l’espace du chantier, sa mutation lente et inexorable, et la spécificité du dispositif scénique de chaque « Visite », ont créé des relations performeur-public extrêmement variées et infinies.

Que le temps dans le chantier – notre rapport au passé, au présent et au futur, tourné résolument vers l’instant, l’ici et maintenant – a permis la découverte, le partage et le renouvellement de nos regards et nos questionnements.

Que les objets et les outils, plutôt des prothèses maladroites au début, sont devenus nos alliés, créant des liens et des impulsions pour mettre nos corps en mouvement.

Que l’exploration en temps réel des éléments – mouvement, son, vidéo, lumière, la prolifération d’actions simultanées et notre refus de refaire ce que nous avons déjà fait, ont fait surgir ce que j’appelle des « images complexes », sollicitant un comportement alerte et éveillé du performeur et un regard actif du spectateur.

Que le corps concret, magnifique dans sa tâche, et le corps abstrait, splendide dans son inventivité, s’accomplissent et même parfois s’interpénètrent dans de rares et magiques moments de prise de conscience et d’abandon.

Nos devises :
On ne se répète pas.
La fonction crée la forme.

Mark Tompkins, Livraison, octobre 2004

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